Edito
A la Une

[EDITO] Prétendue inexistence du Mali, du Burkina Faso et du Niger sans l’intervention de la force Barkhane : Quand la France n’arrive toujours pas à tirer leçon de son échec

Les propos de Jean-Marie Bockel, envoyé personnel du président Macron en Afrique, ont suscité une onde de choc, particulièrement sur la page Facebook de la chaîne France 24. Selon lui, le Mali, le Burkina Faso et le Niger n’existeraient plus sans l’intervention de la force Barkhane.

Si l’analyse de la situation militaire peut sembler flatteuse pour l’action française sur le terrain, la reconnaissance d’un échec politique par Bockel soulève une question fondamentale : qu’a réellement apporté la France à ces pays au-delà de l’aspect militaire ? Cette réflexion met en lumière des contradictions troublantes sur la manière dont l’intervention française a été perçue sur le terrain et plus encore, sur la façon dont les autorités françaises semblent minimiser l’ampleur de leur échec.

Depuis le début de l’opération Barkhane en 2014, la France a déployé des milliers de soldats dans la région sahélienne pour lutter contre les groupes terroristes liés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique. L’objectif affiché était de stabiliser ces pays et de soutenir les gouvernements locaux dans leur lutte contre le terrorisme. Cependant, au fil des années, la situation n’a fait que se détériorer. Les départs successifs de la France du Mali, puis du Burkina Faso et du Niger, témoignent d’une érosion de la confiance et d’une incapacité à instaurer une paix durable. Les autorités françaises, malgré les succès tactiques ponctuels, ont échoué à construire une base politique solide qui aurait permis de pérenniser leur présence.

Ce constat d’échec sur le plan politique est difficilement contestable. Le départ forcé de la France du Mali en 2022, suivi de son retrait du Burkina Faso et de ses tensions croissantes avec le Niger, montre qu’une partie de la population et des élites locales ne voient plus la France comme un allié crédible. Cette désillusion n’est pas seulement le fruit d’une gestion malheureuse des relations diplomatiques, mais aussi le résultat d’une stratégie militaire qui, bien qu’efficace à court terme, n’a pas permis de répondre aux causes profondes de l’instabilité dans la région. Là où Bockel a raison de souligner un « succès militaire », il semble oublier qu’une victoire militaire, si elle ne s’accompagne pas d’une solution politique, peut rapidement devenir une victoire à la Pyrrhus.

La prise de Kidal par les Forces armées maliennes (FaMa) après le départ des troupes françaises en est un parfait exemple. Kidal, considéré comme imprenable pendant l’occupation française, a été réintégrée sous contrôle des autorités maliennes en 2023. Ce retour à la stabilité, et au-delà, la résilience des armées locales face aux menaces terroristes, montrent que l’armée malienne, une fois débarrassée de l’emprise française a été capable de reprendre le contrôle de certaines zones stratégiques. De même, l’évolution du Burkina Faso après le départ de la France est éloquente. Les militaires burkinabè, qui avaient initialement pris le pouvoir après un coup d’Etat, ont su faire face aux groupes armés terroristes avec une efficacité étonnante. Contrairement aux prédictions de certains experts qui affirmaient que le pays sombrerait dans le chaos, le Burkina Faso semble avoir trouvé, à sa manière, une forme de résistance qui ne dépend pas nécessairement du soutien militaire extérieur.

En fait, l’armée burkinabè, en dépit de ses difficultés, continue de mener une guerre asymétrique contre les terroristes, parfois avec plus de succès que l’armée française n’en a eu sur le long terme. Il est donc légitime de se demander si la France n’a pas échoué à comprendre les dynamiques locales et les besoins réels des populations sahéliennes. L’intervention française, aussi bien intentionnée soit-elle, n’a pas permis d’apporter de réponse durable aux problèmes structurels de ces pays . Toute chose qui a renforcé la méfiance à l’égard de la France. Ainsi, l’échec français en Afrique ne se limite pas à un simple constat militaire. Il doit être perçu comme une remise en question de la stratégie d’intervention en tant que telle. L’avenir de ces pays repose désormais sur leurs capacités internes à gérer la guerre contre le terrorisme, mais aussi à trouver un équilibre politique plus stable, ce qui pourrait bien être la clé de leur survie en tant que nations souveraines.

La Rédaction

 

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page