Burkina: Valeurs sémantiques de la postposition fɛ̀ du dioula
Ceci est un article de DIALLO Asséta Chargé de recherche Institut des sciences des sociétés (INSS) Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/ Burkina- Faso, sur les valeurs sémantiques de la postposition fɛ̀ du dioula. assetadiallo1@hotmail.fr
Résumé :
Tiré de A. KEITA et A. DIALLO (2023) « Valeurs lexico-sémantiques des postpositions pures du dioula ». Cette étude sur le dioula porte sur la postposition fɛ̀. L’objectif visé est de déterminer les valeurs sémantiques de ladite postposition. A travers l’étude, neuf valeurs sémantiques ont été dégagées. Chaque valeur identifiée a été décrite puis illustrée avec des phrases exemples.
- Introduction
Pour J. DUBOIS (2001 :374), les postpositions sont des « morphèmes grammaticaux invariables (ou particules) qui se placent après les syntagmes nominaux qu’ils régissent ». Très utilisés dans la production des textes, ces morphèmes sont en inventaire fermé et en nombre relativement très réduit. De par leur utilisation et leur fonction dans le texte, les postpositions présentent un intérêt dans plusieurs domaines d’études de la langue. Dans le domaine de l’enseignement l’importance et des postpositions n’est pas à démonter. D’où pour nous l’intérêt de disponibiliser des données facilement exploitables par les acteurs de l’éducation. Dans A. KEITA et A. DIALLO (2023), l’inventaire des postpositions dites pures ou propres s’élève à quatre. Ces dernières peuvent véhiculer plusieurs valeurs sémantiques. Ce travail s’intéresse uniquement à la postposition fɛ̀ du fait de toutes les valeurs sémantiques qu’elle véhicule. L’objectif de l’étude est de déterminer les valeurs sémantiques de la postposition fɛ̀.
- Méthodologie / Matériel et Méthodes
La méthodologie adoptée est documentaire. Elle consiste en la lecture et la synthèse des données tirées de A. KEITA et A. DIALLO (2023). Toutes les illustrations sont issues de A. KEITA et A. DIALLO (2023).
- Résultats
Le résultat présente et illustre la postpostion fɛ̀ à travers toutes les valeurs sémantiques qu’elle véhicule. Selon A. KEITA (1990 :119) « les postpositions peuvent assumer toutes les valeurs associées à une lexie ou à une méta-proposition ; il s’agit du locatif, de l’item, du transitaire et du catégorème ». Ces valeurs sémantiques se présentent comme suit :
- Expression de la localisation spatiale :
Traduisible en français par : « chez ; du côté de ; vers ; par », fɛ̀ fonctionne comme un locatif. En effet, cette postposition contribue à exprimer la localisation de deux variables l’une par rapport à l’autre. Et selon le contexte, elle exprime aussi une direction.
Exemples :
à bé i fɛ̀ ~ a bé i fɛ̀ yen “il est chez toi”
ni Binta naná án fɛ̀ “si Binta vient chez nous”
án bé ɲɔgɔn fɛ̀ “nous sommes ensemble”
à tágara kɔrɔn fɛ̀ “il est allé vers l’Est”
à tágara lɔgɔ faán fɛ̀ “il est parti vers le marché”
- Expression d’éloignement
Fɛ̀ exprime la fonction locale d’éloignement et d’origine d’une variable.
Exemples :
à bɔra án fɛ̀ “il vient de chez nous”
à bɔtɔ yé n fɛ̀ “il vient de chez moi”
n yé a san a fɛ̀ “je l’ai acheté chez lui”
- Expression de l’accompagnement
La postposition fɛ̀ aide à exprimer un accompagnement.
Exemples :
án tágara ɲɔgɔn fɛ̀ “nous sommes partis ensemble”
nɔgɔ bé tága jíwoyo fɛ̀ ‘‘le ruissellement de l’eau va avec les saletés’’
kábakuru bé tulu sɔrɔ shɔɔ fɛ̀ “les cailloux gagnent de l’huile avec le haricot”
- Expression d’un instrument
La postposition fɛ̀ aide à exprimer l’instrument par lequel s’accomplit le procès du verbe ; elle se place tout juste après le nom circonstant. Elle est traduisible en français par “au moyen de” ; “par” ; “avec”.
Exemples :
à yɛlɛnná jurú fɛ̀ “il est monté par la corde”
a tágara jíi fɛ̀ “il a été emporté par l’eau”
Faní korá musó fɛ̀ “la lessive a été faite par la femme”
- Expression d’un agent
La postposition fɛ̀ fonctionne comme une marque d’agent ; elle aide à exprimer l’agent du procès du verbe. Elle est traduisible en français par : “par”.
a bugɔrá a faá fɛ̀ : il a été battu par son père.
toó tóbira musó fɛ̀ “le tô a été préparé par la femme”
Notons que cette marque d’agent est moins fréquente.
- Expression d’une division temporelle
La postposition fɛ̀ contribue à référer à un temps circonscrit à une certaine période du jour ou de la nuit. Elle a pour équivalent en français “dans”, “pendant”, “au cours de”.
Exemples :
suu fɛ̀ “pendant la nuit”
tile fɛ̀ “pendant l’après-midi”
- Expression d’une possession
La postposition fɛ̀ contribue à exprimer le possesseur.
Exemples :
mun bé i fɛ̀ ? “qu’est-ce que tu possèdes ?”
wari bé a fɛ̀ “il a de l’argent”
Notons que la postposition fɛ̀, dans sa fonction de marque du possesseur, a comme synonyme kun qui est un nom fonctionnalisé. Ainsi, les énoncés illustratifs ci-dessus ont pour paraphrases :
mun be i kun ? “qu’est-ce que tu possèdes ?”
wari bé a kun “il a de l’argent”
- Expression d’un désir, d’une envie
La postposition fɛ̀ contribue à exprimer l’idée de désir et d’amour. Elle marque la personne, l’objet ou la chose désiré, aimé ou voulu.
Exemples :
Solo bé Binta fɛ̀ “Solo aime Binta.”
N bé wari fɛ̀ ka taga lɔgɔ ra “je veux de l’argent pour aller au marché.”
Hors contexte, l’adverbe de lieu yen est utilisé pour éviter la confusion des fonctions désidérative et spatiale véhiculées par fɛ̀. Ce dernier est placé en fin d’énoncé et marque la fonction spatiale.
- Expression d’une ressemblance
La postposition fɛ̀ contribue à exprimer l’idée de ressemblance entre deux variables.
Exemples :
Déen nin bɔra à facɛ fɛ̀ “l’enfant-là ressemble à son père.”
Sofali bɔra soo fɛ̀, nga kélen tɛ “le mulet ressemble au cheval mais ils ne sont pas les mêmes.”
L’emploi de fɛ̀ présente ici aussi des ambiguïtés. Hors contexte, l’expression de la ressemblance peut se confondre à la fonction locale d’éloignement véhiculée de la postposition.
- Conclusion
En guise de conclusion notons que la postposition fɛ̀ véhicule neuf valeurs sémantiques en dioula. Il s’agit de l’expression de la localisation spatiale, l’expression d’éloignement, l’expression de l’accompagnement, l’expression d’un instrument, l’expression d’un agent, l’expression d’une division temporelle, l’expression d’une possession, l’expression d’un désir, d’une envie et l’expression d’une ressemblance. Cette étude présente un intérêt réel pour la connaissance du système lexical et des travaux dictionnairiques du dioula. Elle s’inscrit dans la dynamique de l’élaboration de la lexicologie et de la lexicographie du dioula. Par ailleurs, ces résultats sont essentiels pour l’enseignement des mots-outils en dioula.
- Références bibliographiques
COULIBALY, Bakary (1984), Le jula véhiculaire de Haute-Volta : phonologie, morphologie, syntaxe et règles de transcription orthographique. Thèse pour le Doctorat d’Etat ès Lettres et Sciences Humaines, Université René DESCARTES-PARIS V.
DELPLANQUE, Alain (1984), Langue dagara Essai de Sémiologie linguistique, 4 parties, thèse de Doctorat d’Etat.
KEITA, Alou (1989), Esquisse d’une analyse ethno-sémiologique du jula vernacularisé de Bobo-Dioulasso », Université de Nice– Sophia Antipolis U.F.R. Lettres, Arts et Sciences Humaines Département des PUF Sciences du BOILEAU Langage
KEITA, Alou et DIALLO, Asséta(2023), « Valeurs lexico-sémantiques des postpositions pures du dioula », Les tisons
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