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Burkina: Les relations de sens dans les idéophones du fulfulde

Ceci est un article de DIALLO Asséta Chargé de recherche Institut des sciences des sociétés (INSS) Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/ Burkina- Faso, sur les relations de sens dans les idéophones du fulfulde. assetadiallo1@hotmail.fr

Résumé

Cette réflexion porte sur les idéophones du fulfulde. L’objectif visé est de déterminer les idéophones du fulfulde et leurs relations de sens. Après un exposé critique des définitions et  de la distinction entre l’idéophone et l’onomatopée, l’accent est mis sur les relations sémantiques entre les idéophones. Les analyses révèlent que l’antonymie et l’homonymie sont les deux relations de sens possibles au niveau du sous-système lexical des idéophones en fulfuldé. Pour mieux corroborer ces relations de sens, une liste de quelques idéophones du fulfulde suivie de leur sens a été dressée.

  1. Introduction

Le présent travail découle d’une de nos productions scientifiques portant sur la description des idéophones du fulfulde. En effet, dans les langues naturelles, il existe certaines catégories de mots qui portent à confusion et c’est le cas de l’idéophone et de l’onomatopée. Cette confusion est liée à la nature même de ces mots qui se veulent respectivement expressifs et imitatifs. La présente étude a pour objectifs de présenter l’idéophone du fulfulde. Spécifiquement, il s’agit non seulement de montrer la différence entre l’idéophone et l’onomatopée, mais aussi de déterminer les relations sémantiques dans la catégorie de l’idéophone du fulfulde.

  1. Méthodologie / Matériel et Méthodes

La méthodologie de travail est surtout documentaire, à travers la synthèse des résultats d’un article scientifique A. DIALLO et al. (2023). Le matériau linguistique qui a servi de base aux analyses a été sélectionné et organisé dans une perspective purement sémantique.

  1. Résultats

L’analyse des données nous amène à présenter les résultats obtenus en deux points : la différence entre idéophone et onomatopée et les valeurs sémantiques de l’idéophone du fulfulde.

3.1. Idéophone et onomatopée

La distinction entre idéophone et onomatopée n’est pas toujours effective et il n’est pas rare de constater cette confusion dans certains documents de vulgarisation tels que les dictionnaires et les manuels scolaires. Etymologiquement, le mot idéophone est un dérivé formé du radical « idée » et du suffixe grec « -phone » qui signifie « voix ».  Pour Hagège C. (2009 : 307) : « beaucoup de langues, mais non toutes, possèdent des idéophones, mots qui, comme le dit ce terme, offrent une peinture sonore d’une idée pour symboliser un état, une impression sensorielle, une manière d’être ou de se mouvoir, une action qui n’est pas nécessairement elle-même reproductrice d’un bruit. » J. TOMIMOTO et al. (2013 :114) quant à eux le définissent comme un :

« Mot qui exprime une sensation ou une perception tels une odeur, une couleur, un son, un mouvement, un goût nous permettant d’apprécier, de nommer, etc. En effet, nous appréhendons le monde, les choses et les expériences en fonction d’un système de perception et représentations. Comme l’idéophone ne cherche pas à reproduire un bruit ou un certain son, cela revient à dire qu’il n’est théoriquement pas une onomatopée ».

Quant à l’onomatopée, Le nouveau petit robert (1994 : 1534) la définit comme étant issue du latin « onomatopoeia » et du grec « onomatopoiia » qui signifie « création » (poiein «faire») de mots (onoma « nom »). Ainsi, le terme « onomatopée » désigne la création de mot suggérant ou prétendant suggérer par imitation phonétique la chose dénommée et le mot imitatif lui-même. Qui dit onomatopée dit forcément son. L’élément essentiel dans la définition de l’onomatopée est le son, le bruit émis par le référent dénommé.

Partant de ce qui précède, l’onomatopée traduit un bruit alors que l’idéophone exprime une idée : « L’idéophone se distingue de l’onomatopée par le fait qu’il sert à exprime une idée, une valeur expressive, à partir d’une simple production phonique, tandis que l’onomatopée sert à créer des lexies qui sont de simples imitations du bruit de leurs référents ». (Y. KOURAOGO et A. DIALLO, 2019 :588).

3.2. Relations de sens  

Au niveau du sens, l’analyse du corpus a permis de déceler l’antonymie et l’homonymie comme éléments de structuration sémantique des idéophones en fulfuldé. Avant d’aborder les deux relations de sens, nous dressons une liste de quelques idéophones et leur sens en fulfulde tirée de A. DIALLO et Y. KOURAOGO (2023). Cette liste servira d’illustrations dans le présent travail.

Liste des idéophones

Idéophone simple Redupliqué Équivalent
bari bari-bari très chaux
ɓele ; ɗele ; leti ɓele- ɓele ; ɗele- ɗele ; leti-leti très tendre
bugu bugu-bugu très moussant
buga, bugu buga-buga, bugu-bugu perdu à jamais ; définitivement disparu
bula bula-bula très mure/ très bien cuit
butu butu-butu très gros
buya buya-buya excessivement jaune
coy coy-coy excessivement rouge
dugu dugu-dugu très sale
dus ; duy dus-dus, duy-duy très malodorant
gudu gudu-gudu très court
jaw jaw-jaw très chaud
kak kak-kak très juste ; d’une parfaite égalité
kak kak-kak très raide
kirin, kita kirin-kirin, kita-kita très obscure
koron koron-koron très sec
koti, kota koti-koti, kota-kota très amer
kuɲa kuɲa-kuɲa très touffu
kurum kurum-kurum très noir
ñunu, ñuti, muñu, mere ñunu- ñunu, ñuti- ñuti, muñu- muñu, mere-mere très mince
neŋe, nere neŋe-neŋe, nere-nere bien lisse, très moulu
ŋet, kete ŋet-ŋet, kete-kete très solide
pari pari-pari très méchant
pas, toy, tal, far pas-pas, toy-toy, tal-tal, far-far très propre, bien propre, d’une blancheur éclatante
pem, pet pem-pem, pet-pet bien rempli
pori pori-pori très aigre
poti, poto poti-poti, poto-poto très mouillé
poto, poti poti-poti, poto-poto très pourri
pul pul-pul très neuf
suŋa ; suŋu suŋa-suŋa, suŋu-suŋu d’une senteur agréable
tet tet-tet très calme, très silencieux
ton, yerem ton-ton, yerem-yerem très frais
waka ; waki waka-waka ; waki-waki très rugueux, très rocailleux
weren weren-weren très claire, très lumineux
yeli yeli-yeli très brillant
yeli yeli-yeli très transparent

Liste tirée des annexes de A. DIALLO et al. (2023)

  • Antonymie

Les antonymes sont généralement appelés des contraires. Pour J. DUBOIS (2001 : 40) : « Les antonymes sont des unités dont les sens sont opposés, contraires ». Certes on y rencontre des mots dont les sens sont de véritables contraires mais il est important de souligner que dans l’antonymie tout n’est pas contraire. Il y a des oppositions de sens interprétables à plusieurs niveaux. Ainsi, l’antonymie peut être complémentaire, scalaire ou graduable voire duale. Dans le présent corpus est attestée l’antonymie scalaire. Selon Guţu (2005 : 40),  l’« antonymie scalaire (gradable ou graduable) qui engage des valeurs graduables « entant qu’opération déterminante dans l’analyse du champ lexico-sémantique des séries antonymiques ». Les idéophones suivants accompagnent uniquement et respectivement des mots ayant une relation d’antonymie. Du fait qu’ils accompagnent exclusivement ces mots, ils acquièrent les traits d’antonymie.

Exemple :

Antonymes scalaires Gloses
yerem (feewu) /jawjaw (wulu) frais/chaud
far (rawnu) /kurun (ɓawlu) exprime la blancheur/noirceux
poto (leppu) /koron (yooru) exprime l’humidité/sècheresse
suŋa (huuru)/duy (luuɓu) exprime la bonne odeur/mauvaise odeur
  • Homonymie

Les homonymes sont des mots attestant une identité phonique à laquelle ne correspond pas une identité de sens. Autrement, ce sont des mots de la même catégorie grammaticale qui se prononcent de la même manière, mais qui n’ont pas le même sens. Ils peuvent avoir ou non la même orthographe, le critère le plus important est le critère phonique.

Parmi les idéophones du fulfulde, nous remarquons une relation d’homonymie qui se dégage. Exemple

Idéophones Gloses
yeli très brillant
très transparent
bugu très moussant
perdu définitivement
kak très exact ; très correcte
très raide
  1. Conclusion

Le présent travail fait une clarification conceptuelle des mots idéophones et onomatopées qui portent souvent à confusion. L’analyse a permis de dresser une liste des idéophones du fulfulde et de leur sens. Par ailleurs deux relations de sens, à savoir l’antonymie et l’homonymie structurent la catégorie des idéophones en fulfulde. Ainsi, cette étude trouve sa pertinence dans les domaines lexicographique et didactique respectivement pour l’élaboration des définitions lexicographiques et pour l’enseignement du vocabulaire.

  1. Références bibliographiques

Asséta DIALLO, Yacouba KOURAOGO (2023). « Description des idéophones du fulfulde », Collection recherche &Regard d’Afrique numéro, EFUA, ACAREF.

HAGEGE Claude, 2009, Dictionnaire amoureux des langues, Paris, Editions Plon / Odile Jacob.

Le nouveau petit robert. Dictionnaire de la langue française (1994), Paris, Larousse.

TOMIMOTO Janina, et al., 2013, « idéophones et mots rigolos » Rencontres Pédagogiques du Kansaï, pp.113-117

Yacouba KOURAOGO, Asséta DIALLO (2019). « Onomatopée et productivité lexicale en mooré » in Les Cahiers de l’ACAREF, Tome 1, Volume 1, no3, Académie Africaine de Recherches et d’Études Francophones, Accra, pp 581-605

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