[EDITO] 29e Édition du FESPACO: Une nécessité de réorienter notre cinéma vers nos valeurs intrinsèques

Le 22 février 2025, lors de l’ouverture de la 29e édition du FESPACO, un appel puissant a été lancé par le président burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, et le maréchal Mahamat Déby Itno, président du Tchad. Cet appel incite à une redéfinition du cinéma africain, non seulement comme art, mais comme un levier stratégique pour affirmer notre identité, célébrer nos valeurs culturelles et porter nos combats vers le monde entier.
L’Afrique, dans toute sa diversité, doit réinventer un cinéma qui soit le reflet authentique de son histoire, de ses luttes et de ses aspirations. Un cinéma qui nous ressemble et qui raconte nos réalités sans se conformer aux schémas imposés par d’autres puissances culturelles. Loin des clichés et des récits simplistes souvent véhiculés à notre sujet par l’industrie mondiale, il est grand temps que l’Afrique prenne en main sa propre narration. Nous devons être les maîtres de notre histoire, les architectes de notre image.Dans un monde où les grandes puissances dominent la scène culturelle mondiale en utilisant le cinéma comme outil de soft power, l’Afrique doit elle aussi développer une industrie cinématographique forte, capable d’impacter les consciences et de redéfinir les rapports de force.
Les exemples des États-Unis, de l’Europe et de l’Asie sont éloquents : leurs industries cinématographiques ont non seulement façonné leurs cultures respectives, mais ont aussi propulsé leur influence au-delà de leurs frontières. Aujourd’hui, le cinéma est devenu un vecteur puissant de communication, un terrain où se jouent des batailles d’image et d’identité. Si ces nations ont réussi à imposer leur vision du monde, pourquoi l’Afrique ne pourrait-elle pas faire de même avec ses propres récits, ses propres visions, ses propres valeurs ?Mais pour que cela se réalise, il ne suffit pas de rêver d’un cinéma africain fort, il faut aussi poser les bases solides d’une véritable industrie. Il est urgent d’investir dans les infrastructures nécessaires pour permettre à nos talents de s’épanouir : studios modernes, formations spécialisées, ressources financières adaptées. Nos cinéastes doivent disposer des moyens pour rivaliser avec des industries comme Nollywood et Bollywood, dont la réputation ne cesse de croître.
L’autre défi majeur est la réactivation de la culture du cinéma au sein de nos populations. Les salles de cinéma, notamment au Burkina Faso, doivent redevenir des espaces vivants où les spectateurs se reconnaissent, s’identifient et se projettent. Il est crucial que le cinéma ne soit plus un produit étranger ou déconnecté des préoccupations du peuple, mais qu’il devienne un outil de réconciliation, de dialogue et de réflexion partagée sur nos sociétés. Ainsi, à travers des films qui célèbrent nos héros, nos traditions, mais aussi qui exposent nos réalités les plus dures, le cinéma africain doit se positionner comme un acteur majeur de la narration globale. Le FESPACO, en tant que vitrine incontournable du cinéma africain, doit être le catalyseur d’une telle transformation. Ce festival ne doit pas seulement être un lieu de compétition, mais un laboratoire d’idées et de créations, un espace où se forgent les bases d’une industrie en pleine mutation.L’objectif est clair : faire en sorte que le cinéma africain ne soit plus seulement une réaction aux récits imposés de l’extérieur, mais qu’il devienne une force de proposition, un outil de transformation sociale et un vecteur d’influence culturelle. À travers nos films, nous devons redéfinir le regard que le monde porte sur nous, mais aussi comment nous nous voyons nous-mêmes.
Le chemin reste encore long, mais des initiatives telles que celles portées par le Burkina Faso et le Tchad, au travers du FESPACO, marquent des étapes prometteuses sur cette route. Nous avons l’opportunité de nous réapproprier notre cinéma et d’en faire un puissant moteur de développement et de rayonnement pour l’Afrique. Le temps est venu d’inscrire nos récits dans l’Histoire et de les partager.
La Rédaction